:: CASEY - DECOR BACLE ::
Sol sans soleil où les immigrés bâtirent des monts pensant y vivre des merveilles. Je m’y éveille chaque jour avec amertume pour ce bitume inhumain qui en inhuma plus d’un ; mais aucune reconnaissance, penses-tu, pas même à titre posthume, ici l’ingratitude est coutume. Une mise au ban comme rebut, un apartheid qui n’est que début, mate comme ce bled procède et paye son tribut, contribue aux abus, distribue le boulot aux bourreaux, hommes en bleus te promettant les barreaux, et les bureaux font portes closes à forte dose. L’enclos supporte la sinistrose, métamorphose les comportements en appartement d’Afrique Noire. Nord de tous les départements condamné à stagner, damnés, mal-nés, tous rancuniers pour ce décor bâclé.
Dans l’inquiétude, chacun son attitude : tâter des tonnes de thunes ou pousser les études. C’est notre défi quand les parents qu’on glorifie se sacrifient à notre profit et que la France se méfie. A l’évidence, l’Etat n’est plus providence mais souhaite la banlieue sous sa dépendance, prudence. Ça consomme, pense détourner la haine - celle qui rend sourd aux consignes des sirènes - à l’aide de fonds de cuves en canettes pour ceux qui plaident la légitime défonce, renoncent à cette planète. Des saloperies pour nous foutre en l’air, beaucoup moins d’instituteurs que de sbires de commissaires. C’est flagrant qu’avant de nous exclure on nous torture lentement entre les murs des bâtiments. Ressens cette impression d’être délaissé – et tu l’es – dans la cité, et son décor bâclé.
Bouclé dans ce décor bâclé, reclus, refoulé par une foule fermement réfugiée sous une flamme, emblème et âme du fléau qui me blâme, que secrètement les flics acclament. Paname, diffame notoire, en fait des cages avec sauvage. Chez elle le cliché prime et saccage notre image, endommage la banlieue qui serre de son milieu où pouvoir et frics se mêlent juste sous nos yeux. Envieux, chacun y va de son business, rêve de richesse, puis la réalité le blesse, le rabaisse de son sortilège, car l’avenir ne protège que les nantis du privilège. En fait, on nous conditionne à la défaite et si la rage gagne nos têtes la République est satisfaite. Classée menace à effacer, ainsi va et je vais dans ce décor bâclé.
Extrait de "A délivrer d'urgence" - Dooeen Damage (1999)
